expat L'Élan

2011

Rapport du 8 septembre 2011 - Texte no 18

Le 12 septembre 2011 - JORF nº 0209 du 9 septembre 2011 - Texte nº 18

RAPPORT
Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance nº 2011-1069 du 8 septembre 2011 transposant la décision-cadre 2006/960/JAI du Conseil du 18 décembre 2006 relative à la simplification de l’échange d’informations et de renseignements entre les services répressifs des Etats membres de l’Union européenne

NOR : IOCD1114994P


Monsieur le Président de la République,

L’article 103 de la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de sa publication, les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour se conformer à la décision-cadre 2006/960/JAI du Conseil du 18 décembre 2006 relative à la simplification de l’échange d’informations et de renseignements entre les services répressifs des Etats membres de l’Union européenne. Elles visent, en particulier, à mettre en œuvre un dispositif permettant aux services d’enquête des Etats membres d’échanger de façon plus fréquente et plus rapide les informations dont ils disposent qui sont utiles à la prévention ou à la répression des infractions.

La présente ordonnance est prise sur le fondement de cette habilitation.

La capacité des services d’enquête de lutter contre la criminalité dépend largement de leur aptitude à obtenir et à échanger très rapidement des informations.

Toutefois, l’obtention auprès d’autres Etats membres des informations nécessaires est souvent difficile, notamment parce que, en raison de sa lenteur, elle est difficilement compatible avec la célérité nécessaire aux enquêtes pénales.

Cette situation résulte notamment de l’hétérogénéité tant des législations des Etats membres que de leurs structures administratives et de leurs procédures de collecte et de mise en commun des informations au niveau international. Dans ce domaine, ce sont en fait des lois et des procédures nationales, non coordonnées, qui régissent des actions répressives coordonnées au niveau européen.

Il est possible que des informations ou des données qui sont directement accessibles aux services répressifs dans un Etat membre ne puissent être obtenues aussi facilement dans un autre Etat membre en raison de la législation en vigueur. Il est également possible qu’un service policier ou douanier, agissant dans le cadre des compétences qui lui sont octroyées par la législation nationale, ne puisse avoir accès aux informations vitales dont dispose un autre Etat membre qu’au moyen d’une demande d’entraide judiciaire. En outre, échanger des informations figurant dans un casier judiciaire est considéré par certains Etats membres comme de la coopération judiciaire, ce qui empêche un service policier ou douanier d’un autre Etat membre d’avoir accès à ces informations lorsqu’il cherche à décrypter les ramifications d’un réseau criminel.

Il arrive enfin que les règles applicables à la mise en commun d’informations avec un service répressif étranger soient plus strictes que celles appliquées à un service du même pays, ce qui est peu satisfaisant dans un espace où les contrôles aux frontières intérieures ont été abolis.

Fort de ces constats et à la suite des attentats de Madrid, le Gouvernement du Royaume de Suède a proposé, le 4 juin 2004, un projet de décision-cadre destiné à faciliter l’échange d’informations et de renseignements entre les services répressifs des Etats membres de l’Union. Son principe de base est la communication d’informations entre services compétents, en tant que de besoin, dans des délais beaucoup plus courts que ceux actuellement pratiqués : huit heures pour le cas des demandes urgentes, une semaine pour le cas des demandes non urgentes pouvant être satisfaites par des informations directement accessibles et quatorze jours dans tous les autres cas.

Cet instrument juridique communautaire s’inscrit dans la logique générale de la mise en œuvre du principe de disponibilité de l’information défini dans le programme de La Haye, qui a été adopté par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne le 5 novembre 2004 afin de renforcer la justice, la liberté et la sécurité dans l’Union européenne, notamment par l’amélioration de la coopération policière.

La décision-cadre 2006/960/JAI du Conseil du 18 décembre 2006 présente l’intérêt de créer un mécanisme commun et simplifié permettant aux services d’enquête des Etats membres d’échanger plus fréquemment, soit sur leur demande motivée, soit sur leur initiative, des informations qui sont à leur disposition aux fins de prévenir une infraction, d’en rassembler les preuves ou d’en rechercher les auteurs, dans un délai strictement défini et sans conditions plus restrictives que celles prévues au plan national. La décision-cadre n’oblige pas les services d’enquête à réunir ces informations en ayant recours à des mesures coercitives. Sauf accord de l’Etat membre qui les a transmises ou danger grave et immédiat pour la sécurité publique, ces informations ne peuvent être utilisées à d’autres fins que celles pour lesquelles elles ont été communiquées.

L’ordonnance est composée de trois articles.

L’article 1er présente le dispositif principal de la transposition de la décision-cadre. Il modifie le code de procédure pénale en y insérant de nouveaux articles, dans le cadre d’une nouvelle section (6) au chapitre II du titre X du livre IV.

Les premiers de ces articles (paragraphe 1) sont des dispositions d’ordre général :

L’article 695-9-31 définit les services français compétents pour échanger des informations disponibles avec des services étrangers. Il indique la finalité des échanges d’informations, c’est-à-dire à la fois la prévention et la répression des infractions, qui traduisent les notions « d’enquête pénale » et « d’opération de renseignement en matière pénale » définies à l’article 2 de la décision-cadre.

L’article 695-9-32 rappelle le principe essentiel de la protection des données. Les échanges s’effectuent dans le cadre général des dispositions pertinentes du code de procédure pénale, visé dans son ensemble, et de la loi nº 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Les services prennent en compte, pour chaque échange spécifique, les exigences liées au secret de l’enquête. A cette fin, ils garantissent la confidentialité de l’ensemble des informations communiquées.

Les canaux de communication utilisés pour l’échange d’informations doivent garantir la protection des données.

Le paragraphe 2 est un ensemble de dispositions relatives aux demandes d’informations émises par les services français :

L’article 695-9-33 pose le principe selon lequel la France, à partir d’éléments d’informations laissant supposer qu’un autre Etat membre détient des informations nécessaires à la répression ou à la prévention d’une infraction, peut par demande motivée en solliciter la transmission auprès des services compétents de cet Etat.

Les trois articles suivants déclinent les modalités d’utilisation des informations ainsi reçues par la France :

L’article 695-9-34 précise que ces informations peuvent être versées à la procédure et servir de preuve sous réserve de l’accord de l’Etat qui les a communiquées.

L’article 695-9-35 rappelle le principe de spécialité figurant dans la décision-cadre au point 5 de l’article 3 selon lequel les informations ne peuvent être utilisées, sauf accord préalable de l’Etat requis, que pour les fins indiquées lors de leur demande, dans le respect des prérogatives de l’autorité judiciaire et des autorités indépendantes de contrôle. Il est rappelé que, en l’absence d’accord, ces informations peuvent être utilisées pour prévenir un danger grave et immédiat pour la sécurité publique.

L’article 695-9-36 prévoit que le service ou l’unité qui a obtenu une information d’un Etat membre l’informe, sur sa demande, de l’utilisation qui en a été faite.

Le paragraphe 3 concerne les demandes d’informations reçues par les services français :

L’article 695-9-37 oblige les services français à répondre à une demande d’un Etat membre de l’Union européenne, dès lors que les informations requises sont déjà disponibles auprès des services et unités d’enquête mentionnés à l’article 695-9-31 et que cette demande ne les conduit pas à avoir recours à des mesures coercitives pour les obtenir.

L’article 695-9-38 vise le cas de l’échange spontané d’informations, tel qu’il figure à l’article 7 de la décision-cadre, en obligeant les services français à transmettre d’initiative à un autre Etat membre de l’Union européenne des informations utiles à la prévention ou à la répression d’une infraction punie d’une peine privative de liberté d’au moins trois ans figurant dans l’une des catégories de l’article 695-23 du code de procédure pénale.

L’article 695-9-39 précise que ces mêmes services sont compétents pour autoriser la transmission d’informations qui ont déjà fait l’objet d’une transmission à d’autres Etats avec l’accord préalable et dans les conditions fixées par le service d’origine. Lorsque les informations ont été transmises sur un autre fondement que la décision-cadre 2006/960/JAI, elles ne peuvent être transmises à un autre Etat membre qu’avec l’accord de l’Etat qui les avait transmises et dans les conditions fixées par lui chaque fois que la France y est tenue par ses engagements internationaux.

L’article 695-9-40 subordonne la transmission des informations aux services compétents de l’Etat membre demandeur à l’autorisation préalable d’un magistrat chaque fois que cette autorisation est requise en France pour accéder à ces mêmes informations ou les transmettre à un service ou une unité de police judiciaire.

L’article 695-9-41 précise les trois cas dans lesquels, outre le cas d’un refus de l’autorité judiciaire cité au 695-9-40, les services compétents français peuvent refuser de communiquer les informations :

― atteinte aux intérêts essentiels de l’Etat en matière de sécurité nationale ;

― risque de nuire au déroulement de l’enquête ou à la sécurité des personnes ;

― disproportion de l’information requise par rapport à la finalité de la demande.


L’article 695-9-42 évoque une autre possibilité de refuser de communiquer l’information requise prévue par la décision-cadre en son article 10 : elle concerne les demandes d’informations relatives à une infraction punie d’une durée d’emprisonnement égale ou inférieure à un an et ne paraissant pas présenter un intérêt suffisant pour justifier les contraintes attachées à leur transmission. Il s’agit là de réserver les échanges d’informations qui peuvent mobiliser le personnel actif des services répressifs à des infractions d’une certaine gravité.

L’article 695-9-43 précise que les services français désignés à l’article 695-9-31 sont compétents pour autoriser la retransmission à d’autres Etats des informations qu’ils ont précédemment reçues, et le cas échéant en fixer les conditions d’utilisation. Ces services peuvent demander au service destinataire de l’informer de l’utilisation qui en a été faite.

L’article 695-9-44 subordonne la communication à un autre Etat, ou l’utilisation différente de celle pour laquelle elle a été transmise, de l’information transmise à un service compétent d’un Etat membre par un service français désigné à l’article 695-9-31 à l’autorisation de ce dernier et, le cas échéant, selon les modalités définies par lui.

L’article 695-9-45 pose le principe général de la possibilité ouverte aux services étrangers requérants d’utiliser les informations transmises dans une procédure judiciaire, sous réserve qu’une mention contraire ne s’y oppose lors de la transmission.

L’article 695-9-46 prévoit également de faire suivre les informations transmises aux services compétents d’un Etat membre aux unités EUROJUST et EUROPOL dans la mesure où elles portent sur une infraction relevant de leur mandat.

L’article 695-9-47 renvoie à un arrêté du ministre de la justice, du ministre de l’intérieur et du ministre chargé du budget la désignation des points de contact auxquels les demandes de transmission d’informations peuvent être adressées par les services compétents des Etats membres.

Le paragraphe 4 prévoit des dispositions relatives à l’application à certains Etats non membres de l’Union européenne :

L’article 695-9-48 rend applicables les dispositions de cette nouvelle section 6 au chapitre II du titre X du livre IV du code de procédure pénale aux échanges d’informations avec les Etats non membres de l’Union européenne (l’Islande, la Norvège, la Suisse et le Lichtenstein) qui sont associés à la mise en œuvre, à l’application et au développement de l’acquis de Schengen.

L’article 695-9-49 renvoie à un décret en Conseil d’Etat les modalités d’application de cette nouvelle section 6 au chapitre II du titre X du livre IV.

L’article 2 prévoit que l’ordonnance est applicable sur l’ensemble du territoire de la République.

Tel est l’objet de la présente ordonnance que nous avons l’honneur de soumettre à votre approbation.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de notre profond respect. 

 
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