2008

Recommandation du 17 novembre 2008 - NOR : CPLX0827435X

Le 19 juin 2009 − JORF nº 0274 du 25 novembre 2008 − Texte nº 58

Recommandations du 17 novembre 2008 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté relatives au local de rétention de Choisy-le-Roi

NOR : CPLX0827435X


Le local de rétention de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne), dont la gestion incombe à la direction générale de la police nationale (direction centrale de la sécurité publique), a été visité par deux contrôleurs du contrôle général des lieux de privation de liberté le mardi 8 juillet 2008, de 11 heures à 20 heures.

Les observations factuelles recueillies au cours du contrôle ont été communiquées au commissaire de police responsable du commissariat le 30 juillet 2008. Elles ont donné lieu à une réponse du préfet du Val-de-Marne en date du 19 août 2008. Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Créteil, interrogé par écrit, a fait connaître sa réponse par lettre du 3 septembre 2008.

Le rapport définitif de la visite a été communiqué pour observations au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire et à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales le 15 septembre 2008. Le 24 octobre 2008, la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a fait connaître qu'elle s'en remettait au ministre chargé de l'immigration du soin de répondre. Le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a fait connaître ses observations dans une note du 25 octobre 2008.

A la suite de cette procédure, et conformément à la loi nº 2007-1545 du 30 octobre 2007, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté formule les recommandations suivantes :

  1. Les locaux de rétention ont été installés dans des lieux dont la destination initiale n'était pas, en général, la rétention des étrangers qui font l'objet d'une procédure d'éloignement. Le local de Choisy-le-Roi ne fait pas exception à cette règle, puisque les sept pièces qui le composent (quatre chambres, une salle de détente, un vestibule, un local destiné à la garde sans compter les sanitaires) ont été conçues dans des pièces à usage initial de bureaux, dans un commissariat de circonscription. Si l'ensemble est dans un état général satisfaisant, sa distribution et ses dimensions ne donnent pas entièrement satisfaction. Au surplus, certains défauts propres au commissariat (insuffisance du réseau électrique), dont pâtissent aussi les fonctionnaires de police, ont des conséquences sur le fonctionnement du local. Il faut donc rechercher à moyen terme l'implantation des locaux de rétention dans des immeubles conçus à cet effet.
  2. Les quatre chambres, dont l'une est réservée aux femmes, sont en enfilade (les chambres « hommes » étant séparées de la chambre « femmes » par le local réservé à la garde). Les hommes retenus, pour accéder aux sanitaires, doivent donc passer devant la chambre des femmes. Or celle-ci est séparée du couloir par une paroi entièrement vitrée, que rien ne peut obturer. S'il est évident que des motifs de sécurité doivent permettre aux fonctionnaires de la garde de surveiller tous les retenus, cette exigence ne saurait l'emporter sur le respect de l'intimité à laquelle chacun a droit. Un tel agencement ne se rencontre, par exemple, dans aucun établissement pénitentiaire. Cette manière de faire est attentatoire à la dignité humaine et aucune prescription de sécurité ne saurait la justifier. De telles installations doivent au plus vite disparaître (par exemple par la pose d'un film opaque sur la vitre).
  3. Les visites aux personnes retenues se déroulent dans des conditions peu satisfaisantes, alors même qu'on compte sur des tiers pour apporter aux étrangers ce qui leur manque ou le réconfort qui peut assurer un séjour plus paisible. En effet, ces entretiens se déroulent dans un couloir où aucun siège n'est proposé. Ils sont au surplus limités à une durée de vingt minutes (comme il est vrai dans d'autres locaux ou centres) sans qu'aucune raison clairement établie justifie ce délai (selon une étude faite par les contrôleurs du registre, sur 234 personnes retenues à Choisy-le-Roi, seules 78 [33 %] ont eu des visites). Le contrôleur général est convaincu qu'un accès plus prolongé et confortable de tiers n'est pas contraire à la sécurité de la rétention. Dans ces conditions, des facilités accrues doivent être données.
  4. Il est clair que les fonctionnaires de police de la sécurité publique affectés à la garde des personnes retenues, à Choisy-le-Roi, mais aussi dans d'autres locaux équivalents, sont pour la plupart dans leur premier emploi après leur formation initiale. Outre la déception qu'ils éprouvent à exercer un métier peu considéré, qu'ils n'avaient pas imaginé devoir effectuer, il est patent qu'ils n'ont pas reçu dans l'enseignement qui leur a été dispensé d'éléments utiles pour gérer, dans un espace étroit et dans un temps prolongé, une relation avec des personnes physiques incertaines de leur sort. Leur réaction peut être alors, par méfiance et crainte, et dans une intention légitime de protection personnelle, de renforcer l'aspect draconien des mesures de sécurité qui sont prises. Si une formation particulière ne saurait être envisagée à destination des personnels chargés de la garde des étrangers retenus, les conditions dans lesquelles les fonctionnaires appréhendent la garde prolongée de personnes physiques sont une des composantes de la profession qui doit retenir davantage l'attention tant pendant la formation initiale que par l'aide que les jeunes fonctionnaires sont susceptibles de recevoir de leurs collègues plus anciens et de leur encadrement lors de la première affectation.
  5. La visite a permis également de relever des éléments positifs. En particulier, l'examen du registre - bien tenu - établit qu'aucune personne retenue ne reste dans les lieux au-delà des quarante-huit heures prévues par la réglementation en vigueur. En outre, à l'initiative d'un responsable, une convention passée avec une entreprise locale sur la fourniture de draps en papier (renforcé) permet de garantir une hygiène rigoureuse, tout en diminuant les frais de blanchisserie : l'autorité administrative peut examiner les possibilités d'extension de ce procédé. Si des incidents ont pu se produire dans le passé, relatifs notamment à l'ingestion ou l'utilisation de produits dangereux par des retenus (par exemple le 3 janvier 2008), la période précédant la visite n'a été marquée par aucun événement de cette nature. Les avocats (peu nombreux à venir) et les associations peuvent accéder au local dans des conditions satisfaisantes. L'accès aux soins et aux traitements est assuré. La restauration n'appelle pas de remarques particulières.

Fait à Paris, le 17 novembre 2008.



J.-M. Delarue